Laurent is an european entrepreneur. His posts explore leadership, entrepreneurship and innovation through personal essays.

Comment réussir à créer un produit qui répond à un marché ?

Comment réussir à créer un produit qui répond à un marché ?

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Nous avons tous la volonté de réussir. Et nous avons tous envie de voir réussir nos bonnes idées. Mais quand on a décidé d’être entrepreneur, de quitter son emploi salarié et de prendre des risques, la réussite n’est plus une option. Il est impératif de mettre toutes les chances de son côté. Et avant même de se demander si l’on pourra construire son produit, louer son local ou déposer ses statuts, des questions doivent être posées. Le produit trouvera-t-il son marché ? Les futurs clients sont-ils prêts à acheter le produit ? Y-a-t-il un véritable business à la clef ?

Ainsi, la bonne question à se poser est-elle : Comment réussir à valider l’envie du marché et l’usage réel d’un produit ou d’un service alors même que ce produit n’existe pas ? Plus encore, comment le faire sans dépenser une petite fortune ! Je vous propose de vous dévoiler une pratique qui permet de résoudre cette équation, pratique nommée le Pretotyping. Elle permet cette validation, procure une mesure tout en engageant un niveau de dépense très faible. Elle a été inventée par un entrepreneur et un intrapreneur à succès, Alberto Savoia. Il est notamment à l’origine du célèbre Google Adwords, un produit qui génère plus de 15 Milliards de Dollar par an !

Avant d’analyser les ressorts du Pretotyping, découvrons pourquoi les idées ne valent finalement rien… du moins au début !

On n’a pas de pétrole, mais on a des idées

Quand il s’agit d’idées, une formule bien française a marqué les esprits depuis maintenant plus de 30 ans. On n’a pas de pétrole, mais on a des idées. Au passage, je vous encourage à regarder la vidéo publicitaire du gouvernement de l’époque. Elle a 40 ans… mais parait déjà tellement dépassée !

Malheureusement, elle a marqué les esprits de bien mauvaise façon : elle sous-entend qu’une idée, une simple idée, pourrait être miraculeuse et tout changer. Est-ce l’arrogance française souvent décrite outre-atlantique ? Ou est-ce plutôt une sorte de naïveté d’une génération bercée par les trente glorieuses et qui avait bien du mal à imaginer les transformations du monde à venir. Je n’oserais me prononcer.

Toujours est-il que cette idée a la vie dure. Pour être juste, il n’y a pas qu’en France où l’un des mythes les plus coriaces est que l’idée est la mère du succès pour les innovateurs et les entrepreneurs. Ah, si j’avais une super idée de création d’entreprise, se répètent à l’envie de nombreuses personnes. Certains leur ont trouvé un nom : les wantrepreneurs, contraction de “want” (vouloir) et “entrepreneur”. Certes, de nouvelles idées sont au commencement des nouveaux produits et des nouvelles entreprises. Sans elles, il n’y aurait rien. Mais est-ce qu’une seule idée pourra vous rendre riche sur plusieurs générations ? Mais non, bien sûr !

Je vais tenter dans cet article de vous expliquer pourquoi une idée seule n’a en réalité aucune valeur. Pourquoi avoir peur de parler de ses idées est un mauvais réflexe. Pourquoi au contraire, vos idées prendront de la valeur une fois que vous en aurez parlé autour de vous.  Pourquoi vos usagers ou les mesures que vous observerez auront plus de valeurs que vos propres idées. Pour tout cela, je vais emprunter une théorie appelé Pretotyping.

Les idées ne valent rien

Les idées ne valent rien tant qu’elle n’ont pas été validées. Une idée est un concept, une abstraction. Nous aimons manipuler des abstractions. Nous avons même tendance à en tomber fou amoureux : le monde des idées, de la politique, la littérature manipulent tous des abstractions. Plus encore, les idées reposent trop souvent sur des opinions. Une opinion aurait-elle une grande valeur ? Oui, quand il s’agit de soulever des foules et déclencher une mouvement citoyen. Des grands principes ont fait et feront la grandeur des nations. La liberté, l’égalité, la fraternité pour ne reprendre que le fronton de nos bâtiments publics sont des idées fortes dont la valeur n’est plus à prouver.

Mais lorsqu’il s’agit de concevoir un produit ou de créer une entreprise, mieux vaut s’en écarter. Du moins, si l’on veut augmenter les chances de réussite et tenter de les estimer précisément.

En effet, la plupart des idées vont échouer. Je ne veux décourager personne, mais 95% des applications mobiles sur l’App Store ou le Play Store ne dépasseront jamais les quelques centaines de téléchargement. La plupart des livres écrits ne seront jamais lus par plus de 1000 personnes. La majorité des entreprises créées ne dépasseront jamais les 3 à 5 années…

Ses échecs sont à valoriser : à chaque fois, ils permettent d’apprendre et de construire un produit / une entreprise meilleur lors de prochaines expériences. Ils proviennent parfois d’erreurs d'exécution ou d’erreurs financières. Mais très souvent, ils sont le résultat d’un enfermement, d’une obstination des créateurs autour de leurs idées. Avoir des idées géniales de création d’entreprise, c’est parfait. Mais ne pas les modifier, les amender ou les retourner alors que des critères objectifs vous y poussent, c’est suicidaire.

Doing the right it vs doing it right

La raison de cet aveuglement est simple. Sur le papier, tout est parfait. Toutes les idées sont valables, elles semblent même toutes promises à un avenir radieux. Qui n’a jamais été millionnaire dans un tableau Microsoft Excel / Google Sheets ?

Mais avant de se lancer dans la construction longue et coûteuse de son produit, de son service, il faut vérifier qu’il existe un marché et surtout des utilisateurs. Bien souvent, les créateurs sont passionnés par leur concept. Ils vont investir beaucoup d’énergie à bâtir leur service, à le construire comme ils l’ont imaginé. Ils sont leur premier client après tout, leurs goûts doit correspondre aux goûts des autres non ?

Il est pourtant impératif de valider ses idées. Et de s'assurer qu’on construit le bon produit. Vérifier que ses fonctions correspondent bien aux attentes des futurs utilisateurs. Cela impose de connaître qui sera son utilisateur et bien souvent son client. Quels sont ses besoins ? Quel vocabulaire emploie-t-il ? Quel sera son usage notre produit ? A quelle fréquence l’utilisera-t-il ? Quels services complémentaires attendra-t-il ?

C’est là qu’intervient le Pretotyping.

L’objectif est très simple et est résumé par une slogan très parlant (traduit en français par Pretotyping.fr) qui l’illustre parfaitement : 

Assurez-vous que vous êtes en train de construire le bon produit avant de bien le construire.
— A.Savoia

Qu’est-ce que le Pretotyping ?

Le pretotyping c’est construire le plus simple artefact du produit que l’on imagine construire à grande échelle. Comme une maquette, est un modèle réduit de l’original, le pretotype est une sorte de produit miniature qui représente fidèlement le produit mais qui a pu être construit à moindre coût.

Quelques exemples permettent de mieux comprendre :

  • Un pretotype célèbre est la vidéo construite par les fondateurs de Dropbox. Ils ont eu cette idée bien avant d’investir et de développer le célèbre logiciel de synchronisation et de sauvegarde de fichiers. Une simple vidéo, incluant quelques écrans retouchés décrivait le futur produit. L’action pour le visiteur du site web était simple : laissez nous votre email pour en savoir plus. Résultat des milliers d’emails collectés et par conséquent une idée, et un pretotype validé.

  • Un autre exemple, quasiment devenu une légende, est le cas du Palm Pilot. Jeff Hawkins, l’inventeur de ce petit organiser, avait déjà crée un premier ordinateur portatif qui fut un échec. Pour son deuxième essai, il a crée un Palm Pilot Pretotype : un simple bloc de bois de la taille de la poche de sa chemise. A chaque fois qu’une personne lui proposait un rendez-vous il sortait la pièce de bois de sa poche et simulait l’usage du Pilot. Au fil des semaines - et malgré les regards intrigués de ses interlocuteurs - il a affiné son concept, jusqu’à calibrer parfaitement le produit et ses fonctions (Agenda, Tache, Mail). Inutile de rappeler le succès planétaire qu’a été le Palm Pilot dans les années 90.

  • Enfin, cette pratique est aussi largement répandu dans les milieux du design. Pour savoir quel design procurera les émotions souhaités, rien ne vaut qu’un modèle en taille réelle. Mais comment le réaliser quand il s’agit d’une voiture, qui nécessite un long travail sur les alliages et les plastiques qui la composent ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est en argile que les constructeurs réalisent leur première version de voiture ! Le groupe BMW donne plusieurs exemples détaillés sur le web (http://www.bmw.com/com/en/insights/bmw_design/process.html) ou dans son fabuleux musée BMW Welt à Munich (http://en.wikipedia.org/wiki/BMW_Welt).

Découvrez les modèles en argile de BMW dans cette vidéo.

Un pretotype permet donc à moindre coût et dans un temps record, de savoir ce qui est utile, fait du sens et in fine “marchera”.

Attention, un pretotype n’est pas une étude de marché. L’étude de marché va chercher à mesurer la taille du marché, bien souvent à partir de critères macroscopiques et sur tapis vert (ou plutôt dans une feuille Excel). L’étude de marché est une opinion, une idée. L’exercice du Pretotyping, au contraire, va chercher à cerner l’usage et à valider la forme et la fonction du produit via une démarche expérimentale et - oserais-je le dire - microscopique.

Comme monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, vous avez sûrement fait des pretotypes sans jamais mettre ce mot sur vos créations :

  • enfants, nous avons tous dessiné ou plié des cartons simulant des voitures, des avions ou pour les guerriers (garçons ?) des pistolets.

  • si vous êtes propriétaire d’un bar, d’un restau, n’avez vous jamais tenté de proposer un plat qui n’est pas à la carte à vos clients pour le tester

  • un groupe ou un chanteur aura la même démarche : chanter un nouveau titre lors d’un concert pour observer les réactions du public ou tester de nouveau accord.

Nous avons tous déjà pratiqué cette idée : faire de petits tests pour comprendre si une idée possède de la valeur ou non.

Pretotyping, le manifeste

Le concept de Pretotyping a été formalisé par Alberto Savoia. Alberto a publié un livre, qui a d’ailleurs été traduit en français (vous trouverez les liens pour le télécharger ci-dessous).

Alberto a aussi synthétisé sa démarche autour d’un manifeste très explicite :

Le Manifeste de Prétotyping

Assurez­-vous que vous êtes en train de développer le bon produit avant de le développer bien

Les innovateurs battent les idées

Les Prétotypes battent les produit­types

Les données battent les opinions

Le maintenant bat le plus tard

La simplicité bat la complexité

Le committment bat les comités

Faire bat parler

  • Les innovateurs battent les idées : les innovateurs sont avant tout des hommes et des femmes bien connectés avec leur temps. Ils possèdent un véritable savoir faire pour poser les bonnes questions, observer sur le terrain les usages, rencontrer un maximum de personnes, associer des idées et des concepts différents et bien entendu pour expérimenter / pretotyper leur idées.

  • Les Prétotypes battent les produit­types : les pretotypes permettent de répondre plus vite et à moindre coût à la question essentielle à se poser “Suis-je en train de construire le bon produit ?”

  • Les données battent les opinions : rester dans le flou, sur des impressions, mène parfois à la catastrophe… Mesurer et comparer sur des données objectives reste la meilleur façon pour se faire une idée objective.

  • Le maintenant bat le plus tard : ne pas remettre au lendemain ce qu’on peut faire aujourd’hui avec Internet !  

  • La simplicité bat la complexité : KISS - Keep It Simple Stupid, Less is Better, autant d’expression qui montre combien la difficulté n’est pas de beaucoup en faire, mais bien de trouver le strict minimum qui va créer de la valeur. Ma préférée, en tant que lyonnais d’adoption est la suivante : 

La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer.
— Antoine de Saint Exupery
  • Le commitment bat les comités : Commitment, ou l’engagement en bon français, reste la meilleur façon d’avancer. Plutôt que d’enterrer un problème en créant un nième groupe de travail, mieux vaut trouver une personne motivée, de lui fixer un objectif et qu’elle s’engage à le réaliser.

  • Faire bat parler : Parler, écrire de longs emails qui disparaissent la plupart du temps très vite, ou encore chercher des excuses ne sert à rien. Être dans l’action, écrire la présentation de votre produit, développer votre logiciel, dessiner votre futur interface, fera, à l’inverse, avancer les choses.

Pretotyping, n’attendez pas pour commencer !

Vous êtes maintenant convaincu, il est temps de passer à l’action. Je vous laisse passer à la pratique lors de votre prochain projet. Je reviendrais lors d’un prochain article pour détailler comment appliquer le pretotyping dans votre startup ou votre entreprise. Pour être sur de ne pas manquer la suite, abonnez vous à ma Newsletter.

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