Laurent is an european entrepreneur. His posts explore leadership, entrepreneurship and innovation through personal essays.

Découvrez Mikå Mered, pionnier innovant de la géopolitique des pôles !

Découvrez Mikå Mered, pionnier innovant de la géopolitique des pôles !

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Aujourd’hui j’ai la chance de pouvoir interviewer Mikå Mered, un spécialiste de la geostratégie de l'Arctique et de l'Antarctique. Vous le verrez, on peut aussi innover en géopolitique !

Mais tout d’abord, Mikå, peux-tu te présenter ?

Bonjour Laurent, bonjour à tous les lecteurs de ton blog sur l’innovation. Je m’appelle Mikå, à prononcer comme la célèbre marque de glaces, passionné par les pôles avec une fascination toute particulière pour le Groenland, l’Islande et l’Antarctique. Je dirige depuis un an le cabinet conseil spécialisé sur les risques politiques arctiques et antarctiques, Polariis, après y avoir passé plusieurs années comme consultant. En parallèle, je collabore avec plusieurs think tanks et medias. J’écris actuellement, avec l’appui de l’Université Columbia à New York, mon premier livre sur les bouleversements géostratégiques que génère l’inclusion de l’Arctique dans le théâtre géo-économique mondial.

Peux-tu nous dire où tu as grandi ? Comment s’est passeé ton enfance ?

J’ai grandi à Paris dans une famille d’entrepreneurs français originaires d’ailleurs. Pour eux beaucoup de portes se fermaient parce qu’ils n’appartenaient pas au sérail, parce qu’ils n’avaient pas fait de grande école, parce qu’ils étaient trop jeunes, trop hors du moule, ou encore parce que leur technologie était “trop novatrice” pour le marché français... Né à la fin des années 80, et certainement pas prêt à me laisser emmurer dans un moule à la française, je suis plus un vieux “millenial” qu’un jeune de la “Génération Y”!

D'où vient cette passion pour les territoires polaires ?

De par l’activité parentale, j’ai d’abord été bercé par la visioconférence, puis par la fibre optique et les nanotechnologies, bref par la recherche de l’innovation. Petit j’étais fasciné par l’aérodynamique des Formule 1: Adrian Newey, l’aérodynamicien-gourou de Williams, McLaren puis RedBull Racing, est un de mes modèles indépassable. Puis, de la cartographie automobile à la cartographie politique il n’y a eu qu’un pas. J’essayais d’imaginer un Paris à 30 arrondissements comprenant la petite couronne, les nouvelles lignes de métro à creuser... Je ressens en permanence une pression mentale : essaie d’imaginer le futur, d’entre apercevoir le coup d’après. Alors, faute aux “dessous des cartes” de Jean-Christophe Victor (une deuxième idole), lorsqu’on réfléchit à l’âge adulte sur l’évolution de la géostratégie à l’échelle mondiale à partir des écrits de Mackinder, Spykman ou Brzezinski, l’inclusion des régions polaires dans le nouvel ordre mondial devient une innovation naturelle, et donc une passion comme une autre j’imagine. Au fond, les régions polaires sont au monde stratégique ce que les ailerons sont à une monoplace, non? (rires)

J’ai lu un de tes articles où tu plaides pour que la France soit une puissance de recherche en Antarctique, comme l’ont fait 30 autres nations. Pourquoi est-ce si important ?

La France est déjà une puissance de recherche fondamentale dans nombre de spécialités en Antarctique et dans les îles sub-Antarctique comme les Kerguelen ou Crozet, sous la direction de l’Institut Polaire Emile-Victor et du CNRS, entre autres. Le problème que j’identifie est l’étape suivante : la recherche Antarctique française souffre d’un manque de passerelles entre son incroyable travail de recherche fondamentale et les applications commerciales de demain issues des découvertes en milieu polaire, ce que j’appelle les polartechs (polar technologies). Ces technologies sont un des marchés majeurs du milieu de siècle. Avec la perspective d’hivers de plus en plus longs et froids dans tout l’hémisphère nord causés par le réchauffement de l’Arctique, et avec la nécessité de devoir trouver sans cesse des nouveaux relais de croissance pour rester compétitifs et singuliers dans la mondialisation, le secteur des polartechs peut être la base de toute une nouvelle génération de cleantechs et biotechs.

Tu expliques aussi que l'Arctique n’est plus une immensité glacée inerte mais un vrai enjeu géopolitique mondial, notamment pour la Russie ?

L’Arctique est effectivement l’enjeu géopolitique clé du 21ème siècle, plus que le développement africain, le fédéralisme européen ou le remodelage du Moyen-Orient. En effet, aucune autre région du monde ne touche directement l’Amérique, l’Europe, la Russie et les dragons asiatiques à la fois. Point névralgique ultime de toutes les puissances de l’hémisphère nord, l’Arctique est la frontière géographique ultime, mais aussi un point d’accès privilégié à l’espace. A travers les mutations en Arctique même et les bouleversements physiques dérivés à d’autres endroits du globe, l’inclusion de l’Arctique dans la géopolitique mondiale bouleversera d’ici la fin du siècle nombre d’équilibres stratégiques. Attention, je ne dis pas ici qu’il y aura un conflit en Arctique. En revanche, je dis que les nations qui auront mal négocié, négligé ou appréhendé avec naïveté cette extension du domaine de la lutte internationale seront durablement en difficulté sur la scène internationale et d’un point de vue socio-économique. A cet égard, la Russie n’est qu’un acteur qui joue sa propre carte parmi d’autres.

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Dans ce contexte, crois-tu que l’Europe peut avoir un point de vue innovant et original sur la question ?

L’Europe a plusieurs rôles à jouer, tous primordiaux. Premièrement, être le garant de la stabilité sécuritaire de la région avec une politique de coopération régionale pleinement inclusive et innovante d’un point de vue institutionnel.

Deuxièmement, l’Europe doit être leader sur la recherche, avec des investissements massifs, en fondamentale comme en appliquée, à travers des programmes transnationaux comme la station scientifique franco-allemande AWIPEV à Ny-Ålesund (Svalbård, Norvège) qui fête cette année ses dix ans et s’apprête à s’élargir à nos amis italiens d’ici à 2015. Développer les filières de recherche Arctique, favoriser les thèses et les licences, est une nécessité si l’Europe veut être à la pointe du secteur des polartechs. Si nos amis finlandais et islandais sont actuellement en pleine réorientation industrielle et stratégique nationale autour de ce secteur d’avenir de très haute valeur ajoutée, alors l’Europe le peut et le doit !

Enfin, le rôle de promoteur intelligent des idéaux écologiques. Ce n’est pas parce que le développement des régions polaires est inévitable que tout doit y être permis. Toutefois, il ne lui faudrait pas se faire le porte-voix d’une écologie punitive et castratrice, sous peine d’être inaudible politiquement et contre-productive économiquement. Porter ce message, c’est l’assurance d’un développement pour le meilleur!

Tu as fondé une société qui s'appelle Polariis de quoi s’agit-il ?

Polariis est un cabinet-conseil spécialisé dans les études techniques et de prospective économique, initialement fondé en 2003 à Paris sous la marque SMCC. J’en ai pris la direction l’an dernier après avoir proposé un projet de pivot stratégique global pour recentrer le cabinet exclusivement sur les affaires polaires tout en y ajoutant une forte dimension risques politiques et stratégiques. Depuis un an notre mission première est d’élargir notre toile pour faire prendre conscience aux décideurs du monde entier que les régions polaires ne sont pas qu’une zone réservée aux majors pétrolières et aux chercheurs d’Etat ultraspécialisés et inaccessibles là-haut sur la banquise entre deux orques, trois pingouins et une vieille base nucléaire.

Pourquoi avoir lancé cette entreprise ?

Pourquoi avoir opéré ce pivot stratégique? Parce que le développement de l’Arctique, sous tous ses aspects, est un marché avec un potentiel que nous estimons autour de cinq mille milliards de dollars sur les vingt-cinq ans à venir, avec une croissance soutenue tout au long du siècle. Contrairement à ce que beaucoup pensent, les risques dans l’Arctique ne se résument pas au risque écologique ! De même pour l’Antarctique —un marché légèrement inférieur— dont nous estimons le décollage autour de 2035-2040.

Pour ma part, je travaillais à contre-courant sur les risques polaires et la communication politique appliquée aux spécificités de ces marchés au sein de SMCC depuis plusieurs années. Les actionnaires m’ont fait confiance et, grâce à leur soutien, Polariis est aujourd’hui le premier cabinet-conseil au monde à se focaliser exclusivement sur les risques stratégiques arctiques et antarctiques. Le secteur du conseil politique n’échappe pas à l’innovation ! (rires)

Qui a besoin de conseils stratégiques sur les pôles ?

Les industries en jeu sont innombrables et sont au coeur du tissu industriel des économies matures, comme des BRIC. Infrastructures, énergie, minier, cleantechs, shipping, télécoms, spatial, défense... Le potentiel de développement est immense donc je te laisse imaginer la pléthore d’acteurs privés, prêts à investir la région, qui ont besoin de minimiser leur risque par la prospective politique et sécuritaire. En retour, ce développement apportera des bouleversements stratégiques et géopolitiques dont les effets se feront ressentir bien au-delà de l’Arctique dans un premier temps, et de l’Antarctique dans la seconde moitié du siècle. Dès lors, les acteurs institutionnels se doivent de prévoir le développement avec précision pour l’accompagner au mieux, qu’ils en soient bénéficiaires ou victimes. Comme tu l’auras compris, notre but n’est certainement pas de faire de la politique ou du lobbying! Polariis se contente de donner les bonnes armes à tous les acteurs privés ou publics liés de près ou de loin aux régions polaires pour qu’ils déterminent leurs politiques à court et long-terme ou leur communication en temps de crise.

Il y a beaucoup de personnes qui se demandent si c’est le bon moment pour lancer leur boite... Quel conseil leur donnerais-tu ?

Il n’y a pas de “bon” moment pour se lancer, il n’y a que des bonnes idées! C’est l’innovation que vous apportez sur le marché qui doit dicter votre engagement. Schumpeter (un troisième modèle) dit de l’entrepreneur qu’il est un individu irrationnel qui ne mesure pas les conséquences de ses actes. Je crois qu’il n’a qu’en partie raison. Le pire ennemi de l’entrepreneur, ce n’est pas la rationalité, c’est l’hésitation. Alors, si vous croyez en votre idée, croyez-en vous, et quoi qu’on vous dise, mettez le paquet !

Merci beaucoup Mikå. Veux-tu ajouter quelques mots ?

Après les Etats-Unis en 2010, POLARIIS ouvrira son deuxième bureau à l'étranger en s'installant à Londres dès le 1er Juillet prochain. A cette même date, POLARIIS lancera son nouveau site Internet avec plus de 15 nouvelles offres d'intelligence compétitive spécialement ciblées sur l'Arctique. D'un point de vue personnel, je présenterai mon premier livre sur la géopolitique de l'Arctique au Arctic Energy Summit, à Akureyri, Islande, les 8-10 Octobre prochains, avant une sortie anglophone au printemps 2014.

Suivez Mikå Mered sur Twitter (@mika_polariis)

Crédits

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Crédits Photos : 23am.com sur Flickr & Mikå Mered

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